L’histoire insolite d’une femme comptant parmi le 0,00001% de la population mondiale capable de se souvenir de chaque moment de sa vie, y compris sa naissance.

Imaginez pouvoir vous rappeler chaque détail de votre vie, des instants d'enfance aux conversations les plus triviales. C'est le quotidien de Rebecca Sharrock, une Australienne dotée d'une mémoire autobiographique hyperactive (MAHS). Cette faculté suscite autant de fascination que d'interrogations : s'agit-il d'un cadeau précieux ou d'une lourde charge à porter ?
Un don de mémoire exceptionnel
Rebecca Sharrock appartient à un ensemble extrêmement limité : seulement 0,00001 % de la population mondiale peut revivre chaque moment de leur vie avec une exactitude inégalée. Depuis son plus jeune âge, elle a réalisé que sa mémoire fonctionnait différemment. Elle est capable de se remémorer des événements qui se sont produits alors qu’elle n’était qu’un bébé, y compris la sensation d’être enroulée dans une couverture rose en coton ou l’écoute apaisante de la voix de sa mère.
Lorsqu’elle était enfant, elle pensait que tout le monde disposait de cette compétence. Elle était capable de réciter parfaitement des livres lus il y a des années et de se souvenir mot pour mot de conversations de n’importe quel jour. Ce n’est qu’à l’adolescence, après avoir vu un documentaire sur d’autres personnes dotées de cette mémoire incroyable, qu’elle a réalisé son caractère unique.
Cependant, si cette mémoire exceptionnelle semble être un pouvoir supérieur, elle comporte également un fardeau psychologique considérable.
Une mémoire qui ne disparaît jamais
À l’inverse des souvenirs traditionnels qui s’estompent avec le temps, ceux de Rebecca demeurent inchangeables, gravés dans son esprit avec une exactitude déconcertante. Chaque émotion liée à un souvenir revient avec la même intensité qu’au moment de l’événement. Un conflit d’enfance, une blessure émotionnelle ou un moment de bonheur… Tout est conservé et réapparaît sans avertissement.
Cela signifie que pour Rebecca, un souvenir douloureux ne s’atténue jamais. Si une personne ordinaire parvient à mettre en perspective un échec ou une perte, son cerveau, lui, la ramène précisément au moment où la douleur était à son apogée. Elle revit chaque instant joyeux ou malheureux comme s’il avait eu lieu hier, rendant la résilience et le détachement particulièrement compliqués.
Cette particularité a des effets directs sur son bien-être mental. Les souvenirs négatifs peuvent être envahissants et difficiles à surmonter, augmentant le risque d’anxiété et de stress chronique. De plus, le flux constant d’informations stockées dans sa mémoire peut l’empêcher de se concentrer pleinement sur le présent.
La science derrière ce phénomène
Les scientifiques se penchent attentivement sur les personnes dotées d’une mémoire autobiographique supérieurement développée pour comprendre les mécanismes du cerveau. Des recherches ont révélé que certaines régions du cerveau, en particulier l’amygdale et l’hippocampe, sont particulièrement développées chez ces individus.
- L’amygdale, qui joue un rôle essentiel dans le traitement des émotions, pourrait expliquer pourquoi leurs souvenirs sont si vivants et émotionnellement chargés.
- L’hippocampe, qui participe à la consolidation de la mémoire, serait plus actif, permettant une meilleure organisation et récupération des souvenirs.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette mémoire extraordinaire n’est pas simplement une capacité de rétention augmentée. Il s’agit plutôt d’un rappel constant et involontaire, où les souvenirs apparaissent sans effort conscient, comme si le cerveau rejouait constamment le film de la vie.
Vivre avec une mémoire infaillible : une épreuve quotidienne
Pour Rebecca, cette mémoire parfaite n’est pas toujours un atout. Dans sa vie sociale, sa capacité à se souvenir de tout peut provoquer des tensions. Beaucoup de gens oublient naturellement certaines conversations ou détails d’événements passés, mais elle, non. Cela peut mettre ses proches mal à l’aise, voire créer des malentendus.
En outre, l’accumulation de souvenirs crée une surcharge mentale constante. Le cerveau humain est conçu pour oublier certaines informations afin de se concentrer davantage sur l’essentiel. Rebecca, en revanche, est submergée par un flux ininterrompu de données, ce qui peut être épuisant.
Comment gérer une mémoire omniprésente ?
Pour vivre plus sereinement avec sa condition, Rebecca a mis en œuvre plusieurs stratégies :
- L’écriture : elle tient un journal pour organiser ses pensées et structurer ses souvenirs, ce qui l’aide à ordonner son quotidien.
- La méditation et la pleine conscience : ces pratiques lui permettent de se recentrer sur le présent et de ne pas se laisser submerger par ses souvenirs.
- Un accompagnement thérapeutique : des psychologues l’aident à gérer le fardeau émotionnel de sa mémoire et à développer des techniques pour diminuer l’impact des souvenirs négatifs.
- Des routines structurées : un emploi du temps prévisible l’aide à diminuer le stress causé par l’afflux constant d’informations.
Se souvenir de tout… mais à quel coût ?
L’histoire de Rebecca Sharrock nous invite à réfléchir à l’importance de l’oubli pour notre équilibre mental. Nous avons tendance à envier ceux qui ont une mémoire exceptionnelle, mais ce don peut être un véritable piège. Si se souvenir de tout peut paraître fascinant, la mémoire est aussi un filtre crucial qui nous permet de progresser, de guérir et d’évoluer.
Finalement, Rebecca nous rappelle que la mémoire, aussi extraordinaire soit-elle, est plus complexe qu’elle en a l’air. Et peut-être devrions-nous apprécier le fait que notre esprit soit capable d’oublier certaines choses… pour mieux savourer le présent.