Le photographe qui a pris la photo troublante d’une fillette piégée explique pourquoi il n’a pas essayé de la sauver

Publié le 11 juillet 2025

Elle s’appelait Omayra. À 13 ans, son regard a profondément ému le monde entier. Coincée dans les décombres d’un village colombien enseveli, elle est devenue l’un des visages les plus marquants d’une catastrophe naturelle. Mais derrière cette photo qui a marqué les esprits, une question persiste : pourquoi personne n’a pu la sauver ?

Une nuit tragique dans les montagnes

En novembre 1985, le volcan Nevado del Ruiz entre en éruption. La montagne crache lave, boue et cendres sur la ville d’Armero, causant des glissements de terrain dévastateurs. En quelques heures, des milliers de vies basculent. Parmi elles, celle d’Omayra Sánchez, une adolescente vive et pleine d’enthousiasme, piégée sous les débris de sa maison.

Coincée dans l’eau jusqu’au cou, entourée de débris et de poutres de béton, Omayra reste bloquée pendant près de trois jours. Malgré les efforts des secouristes, ses jambes sont coincées sous ce qui reste du toit familial. À leurs côtés, un photographe français, Frank Fournier, immortalise son visage.

Un regard qui transperce l’objectif

La photo est saisissante. Le regard d’Omayra, aussi profond que résilient, capte l’attention du monde entier. Son calme, sa dignité et même ses mots – « Maman, je t’aime. Papa, je t’aime. » – bouleversent. Mais très vite, les critiques surgissent : pourquoi ce photographe n’a-t-il pas tenté de la sauver ? Pourquoi une image, au lieu d’une action ?

Quand aider devient impossible

Frank Fournier a longtemps répondu à cette interrogation. Invité à témoigner des années plus tard, il explique :
« C’était physiquement impossible de la sortir. Même les secouristes, avec tout leur matériel, n’y parvenaient pas. Ses jambes étaient bloquées sous du béton, et sa tante l’enlaçait encore sous les décombres. »

Durant ces longues heures, Omayra reçoit de l’eau, de la nourriture, du réconfort. Elle parle, rêve même de retourner à l’école. Mais peu à peu, les signes de fatigue extrême s’installent. Son corps se refroidit, et les médecins présents évoquent l’hypothermie ou une infection sévère. Finalement, elle s’éteint après près de 60 heures de combat silencieux.

Une image pour éveiller les consciences

Si Frank Fournier a déclenché son appareil, ce n’est pas par voyeurisme.

« Il y a eu un tollé, c’est vrai. Mais si cette photo a choqué, c’est qu’elle a aussi éveillé. Elle a permis une prise de conscience mondiale, et poussé à l’aide humanitaire », confie-t-il.

Ce cliché, bien au-delà de son aspect visuel, révèle surtout l’ampleur de la tragédie : des infrastructures fragiles, un manque criant de préparation, et une population abandonnée. Malgré les alertes des scientifiques, aucune évacuation n’avait été organisée. L’image d’Omayra, figée dans l’instant, devient alors le symbole d’un échec collectif, mais aussi d’un courage extraordinaire.

Une leçon d’humanité… et de courage

Aujourd’hui encore, l’histoire d’Omayra est racontée, étudiée, et suscite une profonde émotion. Son regard n’est pas celui du désespoir, mais d’une force bouleversante de dignité. Frank Fournier conclut :
« J’ai eu la chance d’être ce pont entre elle et le monde. C’est la force des images quand elles sont prises avec respect. »

Parfois, ce sont les instants les plus fragiles qui révèlent la force la plus pure.