Une femme appartenant aux 0,00001 % de la population mondiale capables de se souvenir de chaque instant de leur vie raconte ce qu’implique cette maladie extrêmement rare

Imaginez pouvoir revivre chaque moment de votre vie comme si c’était hier. La tenue que vous portiez un mardi de mai il y a 20 ans, le goût exact de votre petit-déjeuner un matin de collège, ou la voix précise de votre institutrice de CE1… Intrigant, non ? Pourtant, pour certaines personnes, c’est la réalité quotidienne. Mais est-ce vraiment un superpouvoir ? Ce n’est pas si évident…
Quand le cerveau se transforme en bibliothèque vivante
Rebecca Sharrock et Emily Nash ont un point commun rarissime : elles font partie d’un groupe infime de personnes dans le monde à vivre avec ce que les scientifiques appellent la mémoire autobiographique hautement supérieure, ou HSAM. Autrement dit, elles sont capables de se rappeler avec une précision remarquable presque chaque jour de leur vie.
Emily décrit son cerveau comme un immense calendrier mental. Chaque date s’y affiche comme un film qu’elle peut faire défiler à volonté. Un 4 juillet 2002 ? Elle peut raconter ce qu’elle a mangé, comment elle était habillée et même ce qui l’a fait rire.
Se souvenir… même de ses premiers pas
Oui, vous avez bien lu. Emily affirme même se souvenir du moment où elle a appris à marcher. Une scène qu’elle raconte avec une clarté frappante : ses parents qui la poursuivent dans la maison, fiers et amusés, alors qu’elle découvre la joie de gambader. Des souvenirs que la plupart d’entre nous n’ont que sur les photos de famille, mais qui, pour elle, sont gravés de façon très nette dans son esprit.
Un don qui a ses zones d’ombre
Mais derrière cette capacité hors norme se cache une réalité beaucoup plus nuancée. Rebecca, elle aussi dotée de cette mémoire particulière, parle même d’un véritable poids mental. « Je suis souvent distraite par des souvenirs spontanés, qui peuvent surgir à tout moment, sans prévenir », confie-t-elle.
Imaginez revivre un souvenir triste ou stressant avec autant de force qu’au moment où il s’est produit… même des années après. Rebecca explique que lorsqu’un souvenir d’enfance refait surface, ses émotions sont celles de la petite fille qu’elle était alors. Déconcertant, non ?
Quand l’émotion s’invite sans prévenir
Le plus difficile, pour ces femmes, ce n’est pas tant de se souvenir, mais de ressentir. Chaque souvenir ravive les émotions d’origine, comme si elles étaient encore là, tapies dans un coin de leur esprit. « Ce n’est pas que je refuse d’aller de l’avant », confie Rebecca, « c’est que les souvenirs reviennent avec une telle intensité qu’ils me submergent. »
Une réalité que peu de gens comprennent, et qui peut parfois isoler. « On pense que je m’attarde sur le négatif, mais je ne choisis pas ces retours dans le passé », précise-t-elle.
Vivre avec une mémoire qui ne fait jamais pause
Au fond, ce que Rebecca et Emily racontent, c’est une autre façon d’habiter sa mémoire. Si beaucoup rêveraient de ne jamais rien oublier, elles nous rappellent que l’oubli a parfois du bon. Laisser les souvenirs s’estomper avec le temps, c’est aussi ce qui nous aide à avancer, à guérir, à grandir.
Elles doivent apprendre à vivre avec ce flot continu de souvenirs, à accueillir ces fragments du passé comme on feuillette un vieux livre… sans se laisser happer.