Là où tout se disait, et où plus rien ne se dit

Publié le 15 juillet 2025
Là où tout se disait, et où plus rien ne se dit

Vous vous souvenez de cette petite étagère insolite, souvent coincée entre le frigo et la porte de la cuisine ? Trop haute pour être un vrai plan de travail, trop étroite pour poser quoi que ce soit…

Vous vous souvenez de cette petite étagère insolite, souvent coincée entre le frigo et la porte de la cuisine ? Trop haute pour être un vrai plan de travail, trop étroite pour poser quoi que ce soit…

Une voix au bout du fil… et toute la maison qui écoutait

Dans les années 80-90, bien avant les portables et les conversations discrètes en messages vocaux, le téléphone avait sa place attitrée : dans la pièce la plus animée de la maison. On le reconnaissait tout de suite à son fil spiralé qui s’étirait comme un serpent jusqu’à la porte du salon, et à son bottin jauni toujours à portée de main. Et bien sûr, cette fameuse étagère, souvent assortie au plan de travail, qui semblait avoir été conçue exprès pour lui.

C’était le point de ralliement des grandes annonces, des papotages entre copines, des rendez-vous manqués. On y criait des « Qui a vu le carnet de notes ? » ou des « Raccroche, je dois appeler Mamie ! ». Un coin vivant, bruyant, mais toujours chaleureux.

Un crayon, un bloc-notes… et des souvenirs griffonnés à la hâte

À côté du combiné, il y avait toujours un petit carnet et un stylo, souvent attaché par une ficelle pour ne pas le perdre (une astuce bien connue des mamans). On y notait tout : « Appeler le médecin »« Passer à la boulangerie »« Répondre à la mairie ». Mais entre deux messages sérieux, on trouvait aussi des petits dessins de héros de dessins animés, des cœurs tracés à la va-vite, des numéros secrets entourés de petits points d’interrogation…

C’était une autre époque. Moins instantanée, mais plus présente. Chaque appel comptait, chaque message laissé avait son importance.

Une étagère, une ambiance, une époque

L’étagère à téléphone, ce n’était pas juste un support en bois ou en stratifié. C’était un petit théâtre du quotidien. On s’y agenouillait, on s’y appuyait, parfois on y pleurait, parfois on y riait de bon cœur. Les nouvelles y arrivaient toujours par surprise, qu’elles soient joyeuses ou bouleversantes.

Et puis un jour, elle s’est tue.

Les téléphones sans fil sont arrivés, puis les portables. On s’est mis à téléphoner depuis son lit, dans la rue, dans les transports. L’étagère est restée là, souvent vide, parfois devenue support à courrier ou petit pot de fleurs.

Mais son rôle avait disparu.

Le charme discret d’un vestige du quotidien

Aujourd’hui, lorsqu’on tombe sur l’une de ces étagères dans une vieille maison ou un appartement inchangé depuis des décennies, quelque chose nous serre un peu la gorge. Ce n’est pas seulement une relique d’un passé technologique, c’est un petit bout de notre histoire.

Elle nous rappelle ces longues conversations où le fil s’emmêlait autour des jambes, ces disputes pour avoir « bloqué la ligne trop longtemps », et ces messages laissés à la va-vite pendant qu’on préparait le goûter.

Non, on ne réinstallera sans doute jamais de téléphone fixe dans la cuisine. Mais une chose est sûre : à chaque fois qu’on recroisera une de ces petites étagères oubliées, on sourira. Parce qu’on saura ce qu’elle a vu, entendu, et partagé. Parce qu’elle faisait partie de la famille.