Chaque nuit, ma fille m’appelait en larmes, me suppliant de venir la chercher

Cela faisait à peine dix jours que ma fille, Élise, avait accouché. Isolée dans la maison de ses beaux-parents, elle vivait le post-partum dans le silence et l’angoisse. Chaque après-midi, autour de 14 heures, elle m’appelait, sa voix tremblante de fatigue : « Maman, je suis si épuisée… j’ai peur… viens me chercher… »
Ces appels me hantaient. Et pourtant, chaque fois, mon mari me rassurait : « C’est normal, elle vient d’avoir un bébé. Elle doit s’adapter. » Alors, je restais là, le téléphone à la main, submergée par l’inquiétude.
Mais une nuit, quelque chose en moi s’est brisé. J’ai réveillé mon mari à l’aube et lui ai dit fermement : « Je dois aller la chercher. Maintenant. »
Une scène insoutenable dans la cour familiale

Trente kilomètres plus tard, nous arrivons devant la maison familiale. Dès que j’aperçois la cour, mes jambes se dérobent.
Deux cercueils.
L’un grand, recouvert de fleurs. L’autre minuscule.
Ma fille. Et ma petite-fille.
Ma gorge se serre, mes larmes ne coulent même plus. Elles sont là, silencieuses, figées à jamais dans cette scène irréelle.
Une tragédie évitable
Les voisins, les murmures… peu à peu, la vérité se dessine. Élise avait supplié d’être emmenée à l’hôpital. Elle saignait abondamment. Mais les traditions l’ont enfermée : « Le Sutak interdit toute sortie de la maison dans les onze jours suivant l’accouchement », avait déclaré sa belle-famille.
À la place d’un médecin, on lui a donné des feuilles médicinales. Quand l’état s’est aggravé, il était trop tard.
Elle est morte dans la nuit. Et son bébé aussi.
La colère comme moteur
Quand j’ai réalisé l’ampleur de cette négligence, j’ai tout arrêté. J’ai empêché la tenue immédiate des rites funéraires. J’ai appelé les secours, le service d’aide aux femmes, et exigé qu’une enquête soit ouverte.
La police est arrivée. Les rituels ont été suspendus. Les corps ont été envoyés à la morgue pour autopsie.
Ma voix tremblait, mais je tenais bon. Pour Élise. Pour sa fille.
L’enquête et la justice

Le rapport préliminaire parlait d’hémorragie post-partum. Une urgence médicale connue, qui peut être traitée avec les bons soins. Mais ici, elle a été ignorée, réduite au silence par le poids d’une tradition mal interprétée.
La sage-femme a été convoquée. Le mari, la belle-mère, confrontés aux faits. La police a enregistré une plainte officielle pour négligence ayant entraîné la mort.
Et moi, je me suis tenue droite, document médical en main, prête à défendre la vérité.
De la douleur à l’action
Lorsque les cercueils ont été transférés chez nous, les voisins sont sortis en silence, effleurant les bords comme pour s’excuser. J’ai placé la photo de Élise dans le salon, une petite flamme allumée à ses pieds. Et j’ai juré de ne pas laisser son histoire disparaître dans l’oubli.
Le lendemain, j’ai lancé une campagne locale avec l’association des femmes : coller des affiches, distribuer les numéros d’urgence, aller à la rencontre des habitants pour rappeler une évidence trop souvent oubliée : une mère en détresse ne doit jamais rester seule.
Parce qu’aucune tradition ne devrait jamais coûter la vie à une mère et à son bébé.









