Permis de conduire : à quel âge les aînés décident-ils d’arrêter ? (Et pourquoi les femmes passent le relais plus tôt)

Conduire à un âge avancé soulève des questions complexes dans notre société vieillissante. Entre sécurité routière et autonomie, le choix d’abandonner son volant divise, avec des réalités différentes selon les genres. Un sujet bien plus nuancé qu’il n’y paraît.
Conduire après 65 ans : entre indépendance et sécurité routière
En France, une particularité du code de la route intrigue souvent : le permis B n’a pas de date d’expiration. Cela signifie qu’un nonagénaire peut parfaitement légalement prendre le volant. Cette situation est loin d’être marginale : aujourd’hui, près des deux tiers des Français de plus de 65 ans sont automobilistes. Pour cette population, la voiture représente bien plus qu’un simple moyen de transport – c’est un symbole de liberté et d’indépendance.
Pourtant, les années passant, les capacités physiques et cognitives évoluent. L’acuité visuelle diminue, les temps de réaction s’allongent, et la vigilance peut fluctuer. Ces transformations naturelles rendent parfois la conduite automobile plus complexe qu’elle ne l’était auparavant.
Une surreprésentation dans les accidents mortels
Les statistiques sont éloquentes : les automobilistes âgés de 75 ans et plus sont concernés par environ 15 % des accidents mortels. Un chiffre qui ne cesse de progresser année après année. Paradoxalement, la législation actuelle n’impose aucun contrôle médical obligatoire pour ces conducteurs expérimentés.
En 2024, une proposition européenne envisageait d’instaurer un permis spécifique avec visite médicale obligatoire dès 70 ans. Une mesure salutaire pour certains, perçue comme discriminatoire par d’autres… Finalement, ce projet n’a pas abouti.
La santé, critère plus pertinent que l’âge
Les spécialistes du vieillissement rappellent qu’il ne faut pas confondre âge chronologique et capacités réelles. Comme l’expliquent le Dr Bonin-Guillaume et le Pr Lauwick : « Ce n’est pas le nombre d’années qui compte, mais l’état de santé global ». D’ailleurs, beaucoup de seniors adaptent instinctivement leur conduite : parcours réduits, évitement des autoroutes et des déplacements nocturnes, privilège des itinéraires familiers.
Néanmoins, une évaluation médicale professionnelle pourrait s’avérer bénéfique. Attention cependant : seul un médecin agréé par les autorités préfectorales est habilité à statuer sur l’aptitude à conduire. Un dispositif existant, mais encore trop rarement mis en œuvre.
L’autorégulation : une réalité méconnue
Imposer une limite d’âge arbitraire serait-il la solution ? Les études scientifiques suggèrent le contraire. Les recherches de l’Inserm révèlent que dans la grande majorité des cas (85 %), les conducteurs âgés cessent d’eux-mêmes de prendre le volant lorsqu’ils perçoivent un risque. On observe d’ailleurs un écart significatif entre les sexes : les femmes arrêtent généralement vers 79 ans, alors que les hommes persistent jusqu’à 82 ans en moyenne.
Cette situation rappelle celle d’un musicien professionnel qui, sentant ses capacités décliner, choisirait de lui-même de mettre fin à sa carrière. La conscience de ses propres limites joue alors un rôle déterminant.
Vers une approche plus nuancée de la mobilité senior
Plutôt que de se focaliser sur l’âge, ne devrait-on pas envisager des bilans périodiques, similaires au contrôle technique des véhicules ? Notre organisme mériterait lui aussi son « check-up routier » régulier. Des campagnes d’information, des tests cognitifs volontaires et un meilleur accompagnement des conducteurs âgés pourraient concilier sécurité routière et maintien de l’autonomie.
L’avancée en âge ne devrait pas être perçue comme une interdiction automatique, mais plutôt comme un signal invitant à l’évaluation. L’enjeu n’est pas de restreindre la liberté des aînés, mais de leur permettre de continuer à conduire en toute sécurité – pour leur bien et celui des autres usagers. Trouver le juste équilibre entre prévention et respect de l’indépendance personnelle représente sans doute la voie la plus sage à suivre.